lundi 5 février 2007
LA MOME - Edith Piaf
Un film de Olivier Dahan avec Marion Cotillard, Sylvie Testud, Gérard Depardieu, Jean-paul Rouve, Pascal Greggory, Clotilde Courau, Emmanuelle Seigner et Jean-pierre Martins
La môme, elle a tout d’une grande!
On part quand même avec quelques inquiétudes, « Comme c’est original, encore un biopic musical ! ». En effet ces dernières années, les biographies de chanteur « made in America » fleurissent sur nos écrans. Ray Charles, Johnny Cash en passant par 50 cent et bientôt Duke Ellington, Marvin Gaye et Iggy Pop, chacun d’entre eux à son petit film, plus ou moins réussi. Cette fois la tentative émane de France et touche l’un de ses visages de légende, Edith Piaf la femme dont aujourd’hui encore on fredonne les chansons de Padam à La Vie en rose. Ce nom nous est tous familier, pourtant sa vie reste plus méconnue. Tout dans la palpitante existence de Piaf a de quoi faire pâlir le moindre scénario fictif, son histoire est tout simplement fascinante.
On se laisse totalement transporter par cet univers, symbiose entre un Paris rêvé et une réalité brute. On y croit, on aime fouler les pavés et c’est déjà une très belle victoire ! La réussite d’Olivier Dahan c’est de ne pas avoir essayé à tout prix de coller avec le Paris d’antan, il reconstruit des lieux en se laissant guider par sa propre sensibilité. Il propose un regard plus qu’une reconstitution. On entre avec plaisir dans ce monde animé par les rues crades de Belleville, les bordels où la sueur imprègne les murs et les salles de concerts chics des années 50. Le territoire de cette Môme, on s’y sent bien. Dahan articule son scénario autour de différents évènements dramatiques où heureux de la vie de Piaf, plutôt que de se centrer sur un moment « dit » déterminant. Il y gagne en tension et contourne ainsi – avec classe – le drame mélo arracheur de larmes qui mise tout sur un pic émotionnel.
Nous voyons très tôt dans le film une Piaf décadente, rongée par la maladie, et c’est au fur et à mesure que nous comprenons le pourquoi du comment. Le choix de cette temporalité déconstruite est un très beau moyen de présenter et d’accoler certains moments clés. Beaucoup de films se placent dans cette utilisation temporelle, avec plus ou moins d’efficacité et de sens. Ici cela fonctionne si bien, qu’on ne peut concevoir une narration autre : Mise en scène efficace d’un destin paradoxale.
L’interprétation livrée par Marion Cotillard nous laisse au départ un peu perplexe…Edith Piaf était-elle vraiment ainsi ? Elle en fait certainement un peu trop parfois, accentuant la démarche et les mimiques de la chanteuse de manière clownesque. La transition entre l’enfant Edith au visage angélique et la jeune femme Piaf, un peu forcenée, ne s’opère pas vraiment en douceur. Pourtant, au fil du film Cotillard transcende son personnage. A certains moments, elle est Piaf. Elle pleure son mal, elle donne ses tripes et elle partage les mêmes fantômes. Alors malgré le choc premier, on ne peut pas dire que Marion Cotillard n’est pas Piaf. Elle propose autre chose plutôt que de se limiter à singer, et donne naissance à une nouvelle Môme Piaf. Savoir créer, c’est cela être une actrice de talent.
Olivier Dahan avec La Môme reconstruit l’univers de la grande Edith Piaf et y insuffle son regard et sa sensibilité. La tension habite ce film de bout en bout et l’émotion est très bien gérée, évitant – à l’exception d’une scène – de tomber dans le sentimentalisme facile et sans force. Un beau moment !
Florence Rochat
Commeaucinema.com