mardi 22 mai 2007

La perte de soi - Cannes 2007






J'ai eu la chance d'assister à la projection....
un film à voir absolument!!!!
Jean Philippe (19 mai 2007!)


La perte de soi
INTERVIEW DE DANIELLE ARBID ET MELVIL POUPAUD

Danielle Arbid livre un récit fait de quête identitaire et d’errance avec son long métrage ‘Un homme perdu’. Inspiré de la figure torturée du photographe français Antoine d’Agata, ce film singulier et dérangeant met en scène un Melvil Poupaud incandescent. Rencontre avec un duo transgressif.

Fatigués et peu loquaces, voilà le souvenir pas très mémorable que l’on a envie de garder de cette rencontre sur le pouce avec Danielle Arbid et Melvil Poupaud. Mais parce que le film nous a surpris, intrigués et agacés parfois, nous avons souhaité parler de cette création esthétique et intimiste qui revient sur les origines de la création.

Deux hommes errants

Lorsque l’on demande à Melvil Poupaud le thème central du film ‘Un homme perdu’ sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs cette année, il répond distant et un poil provocateur “ Picoler, baiser des meufs. La perte de soi comme dit Danielle”. Et Danielle Arbid, la réalisatrice, de rattraper le coup en souriant : “Melvil n’a dormi que deux heures. C’est l’histoire de la trajectoire de deux hommes en déshérence.” Ces deux hommes, ce sont Thomas Koré, photographe français à la recherche d’expériences extrêmes et Fouad Saleh, amnésique et solitaire, qui a quitté Beyrouth, un lourd secret dans ses bagages. Koré engage Saleh comme traducteur. Le point de rencontre et la distance de ces deux personnages se mettent à nu dans des chambres d’hôtels exiguës qu’ils partagent sans trop savoir pourquoi, dans des bars à putes où le photographe, tel un prédateur, chasse ses modèles pour des nuits de luxure et de création artistique. Fouad devient le complice de ces scènes érotiques et la victime d’un choc culturel.


Antoine d’Agata : source d’inspiration

Si Melvil n’a pas dormi, c’est parce qu’il a fait la fête toute la nuit aux côtés du photographe français Antoine d’Agata, dont s’inspire le personnage de Thomas Koré. Même profession que dans ‘Le Temps qui reste’ d’Ozon, pour un acteur et réalisateur qui se dit piètre photographe et précise que “la photographie ne l’intéresse pas du tout, qu’il n’aime ni en faire, ni en être l’objet. Il aime ‘quand ça bouge’, il aime ‘la vidéo’”.

Danielle Arbid raconte que sa rencontre avec d’Agata a été décisive : “Antoine est quelqu’un de très généreux, qui ne dissocie pas la vie et le travail. D’ailleurs, c’est ce que l’on voit dans ses photos. La photo est la continuité de sa vie. Notre rencontre va dans ce sens, ce n’est pas du travail même si c’est quelqu’un d’extrêmement professionnel. C’est juste de la sympathie. S’il sympathise avec quelqu’un, il donne tout. Et pour ce film, c’est ce qui s’est passé. Et puis je voulais éviter tout malentendu. Je ne voulais pas pomper la vie de quelqu’un de célèbre pour m’approprier une part de sa notoriété. Ma rencontre avec Antoine était très honnête. Entière. S’il avait eu la moindre réticence, je ne l’aurais pas fait.” Et Melvil Poupaud d’ajouter : “C’est quelqu’un qui mélange beaucoup, sa pratique de la photo et sa vie quotidienne. Je l’ai rencontré avec Danielle juste avant de partir tourner le film. On s’est bien entendus. Il adore Danielle et s’est personnellement investi dans le projet. Il nous a expliqué plein de trucs de photographe. Il nous a même prêté son appareil photo, celui que j’utilise dans le film. Il était très attentif au projet et c’était très important d’avoir sa caution. C’était important de savoir que je n’étais pas à côté de la plaque.”


De la provocation à la transgression des tabous…

Parce que dans son film, Arbid capte l’errance, la perdition, le sexe. Parce que Melvil Poupaud domine des femmes devenues le temps d’un acte charnel, des modèles à qui “il prend, plus qu’il ne donne”, on s’interroge sur la démarche de la réalisatrice. Provocation ? Danielle Arbid répond qu’elle a souhaité réaliser “un film honnête”. Pour elle “la provocation n’est que superficialité et ne sert qu’à faire réagir momentanément les gens.” Avec ‘Un homme perdu’, elle explique que si ces deux protagonistes agissent ainsi, c’est avant tout par nécessité. Son objectif était d’aller au fond des choses, au tréfonds de l’intime. Elle ajoute que son film n’est provocateur que dans ce monde-là, dans ce Proche-Orient, mais qu’en Occident les choses ne seraient pas identiques.


De la place des femmes…

Des femmes, il en passe beaucoup dans le lit de ces hommes perdus. Si Arbid filme des scènes de sexe, c’est avant tout, confie-t-elle, parce qu’elle aime le faire. En revanche, pas l’ombre d’un phallus sur la pellicule, parce qu’elle ne voulait pas les montrer molles et qu’elle ne souhaitait ni simulation, ni pénétration sur le tournage. Alors quand on lui dit que son film n’est pas très flatteur à l’égard du sexe faible, la réalisatrice se lance dans un grand plaidoyer : “Les femmes n’ont pas à être défendues. Si elles veulent se victimiser qu’elles le fassent. Ce n’est pas à moi de faire ce travail-là. Je ne me suis pas demandée si je devais montrer telle ou telle chose, ni si elles allaient être rabaissées. Je trouve qu’elles sont toutes dignes dans mon film, toutes très belles. Est-ce que les femmes vont être rabaissées parce qu’elles font appel à leur sexualité ? Je ne pense pas. Ce qui m’intéressait, c’était la rencontre, qu’elle soit entre un homme et une femme ou entre deux hommes. Et plus loin encore, la relation entre d’Agata et son modèle, entre l’artiste et sa source d’inspiration. Et cette façon dont il prend la vie des gens.


Un film sur la moralité artistique

Et si la photographie semble au coeur du projet de Danielle Arbid, la réalisatrice ajoute : “Le fait que d’Agata soit photographe n’est pas le plus important. Il aurait pu être écrivain, cela n’aurait rien changé. C’est simplement l’histoire de quelqu’un qui vit à travers ce qu’il fait. L’outil ne compte pas. C’est un film sur la moralité artistique.”
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