dimanche 24 juin 2007
PINA BAUSCH - VOLLMOND
D.R.Le rêve de vie de Pina Bausch, sous la pleine lune et des trombes d'eau
"Un spectacle ou les danseurs sont nos cahiers intimes, et la pluie, nos larmes qui ne coulent pas
J'en ressors muet, vidé et bouleversé ..... autant de grâce et de force, de beauté et de vérité......... un spectacle VIVANT..
une respiration...... un bouche à bouche chorégraphique...... une aventure amoureuse .... plus qu'un spectacle.....
une page d'écriture, une lettre d'amour.........."
Silences.........
Jean Philippe le 23 juin 2006
Une scène de la chorégraphie de Pina Bausch, "Vollmond", au Théâtre du Châtelet à Paris, jusqu'au 24 juin 2007.
Vollmond, de Pina Bausch. Théâtre de la Ville, place du Châtelet, Paris-4e. Mo Châtelet.
Parlons d'elle. Parlons de la danseuse Helena Pikon, interprète de Pina Bausch depuis près de trente ans, qui dégage au fil du temps une puissance scénique sidérante. Dans la nouvelle pièce pour douze danseurs de la chorégraphe allemande, Vollmond (pleine lune), présentée au Théâtre de la Ville samedi 16 juin, une scène en particulier coupe le souffle. Helena Pikon, le corps renversé, presse du citron sur ses bras et sa poitrine en déclarant, sourire aux lèvres, "qu'elle est un peu amère". Puis elle répète crescendo : "J'attends, j'attends... Je pleure, je pleure..."
En comparaison de cet insert si concis, si définitif, la plupart des sketches qui composent la matière de la danse-théâtre de Pina Bausch semblent sympathiques mais légers. L'ironie sous-jacente des gags, en particulier dans la première partie, les clins d'oeil de plus en plus appuyés des danseurs au public, finissent même par crisper certaines scènes dans la caricature. La façon dont les hommes sont régulièrement moqués par les femmes fait grincer par sa lecture féministe un peu courte.
Heureusement, le deuxième volet de Vollmond, moins tapageur musicalement, plus subtil dans son tempo, plus envoûtant, délaisse le registre "cabaret contemporain" au goût d'urgence et d'ivresse cher à Pina Bausch. La course-poursuite des danseurs qui apparaissent et disparaissent plus vite que leur ombre se bride. Des femmes somnambuliques en robes noires tournoient, à peine visibles. C'est enfin la pleine lune, le délire orgiaque des corps sous une pluie diluvienne. Des torrents d'eau s'abattent dans le miroitement des projecteurs. La rivière, qui coule au milieu du plateau sous un énorme rocher, gonfle pour accueillir les pulsions effrénées d'une tribu dégoulinante. Attaque à coups de seau, rituel de groupe en transe qui saute sur les fesses dans les flaques, cette communion avec la tempête offre enfin une issue au désir d'épuisement qui hante les danseurs de Pina Bausch.
UNE RENAISSANCE SAUVAGE
Le motif de l'eau, véritable obsession de la chorégraphe, déborde ici au sens propre. Le souvenir de Nefés (2003), pièce inspirée par Istanbul, avec son lac se vidant puis se remplissant pendant toute la durée du spectacle, rôde dans la mémoire. Mais l'inondation de Vollmond, très efficace d'un point de vue visuel et dramaturgique, ressort d'une libération féroce, d'une renaissance sauvage. Elle pointe aussi plus que jamais le besoin de nature si souvent présent dans les spectacles de Pina Bausch.
La présence sur scène de terre, d'un glacier géant, d'une colline de mousse bien verte, d'animaux même, permet de conserver un taux de réalité nécessaire à la beauté du spectacle tout en fabriquant des paysages merveilleusement factices. Avec ses femmes en robe du soir pataugeant pieds nus à l'ombre d'un rocher, Pina Bausch inscrit un rêve de vie qui rend compatible réalité et féerie. Jusque dans la mort.